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Le visionning pour les artistes, freelances et professionnels de la culture

“Fortis imaginatio generat casum”, « une forte imagination génère l’événement » écrivait Montaigne dans ses Essais.

Pour la réalisation de nos projets — professionnels ou personnels — on sous-estime souvent le pouvoir de l’imagination.

Se projeter, visualiser, se représenter de manière concrète notre but final avant d’envisager les étapes pour l’atteindre, cela paraît pourtant plus logique ! Vous ne croyez pas ? C’est le principe du visionning, une méthode proposée par ZingTrain, un organisme de formation développé par une épicerie (!) pionnière d’un management collaboratif et innovant.

C’est quoi le visionning ?

Le visionning c’est poser par écrit ce à quoi ressemble votre environnement dans un, deux ou dix ans. Que vous soyez un professionnel de musée ou une entrepreneure du secteur créatif, vous pouvez utiliser cet exercice dans de nombreux cas professionnels et personnels : définir une programmation culturelle pour l’année suivante, établir un plan stratégique pour votre institution, diversifier vos activités, écrire votre premier livre… les possibilités sont infinies.

J’ai découvert cet exercice il y a environ un an, via Museum 2.0, le blog de l’inspirante Nina Simon. Je l’utilise souvent avec les équipes et professionnels que j’accompagne et je l’applique également à mes propres projets. C’est un exercice énergisant et moteur : il permet d’y voir plus clair, de se sentir confiant et capable de réaliser ses entreprises, et donne follement envie de passer à l’action.

Bonus, c’est un outil qui peut être collaboratif dans le but de créer une vision commune.

Echauffements : la technique du Hot Pen

Comme pour toute activité créative, il est recommandé de s’échauffer. Pour cela, ZingTrain propose de débuter par la technique du Hot Pen : écrire sans s’arrêter pendant 5, 10 ou même 15 minutes.

Commencez par prendre 5 minutes chronométrées pour écrire toutes vos réussites liées au projet sur lequel vous souhaitez appliquer le visionning. Votre stylo ne doit pas quitter la feuille pendant 5 minutes ! Si vous êtes bloqués, écrivez les mots qui vous passent par la tête sans aucun filtre, même s’ils n’ont aucun sens. Non seulement c’est un bon échauffement pour l’écriture, mais commencer par lister toutes vos réussites (petites et grandes) vous mettra dans une énergie positive, élément essentiel d’un bon visionning.

Le Visionning en pratique

Commencez par choisir le sujet et l’échéance de votre projet : l’expo que vous organisez dans 6 mois, les services que vous offrirez en tant que graphiste dans un an, ce à quoi vous souhaiteriez que votre musée ressemble en 2021.

Votre visionning est un récit. Imaginez que l’échéance de votre projet est derrière vous et que votre vision s’est déjà réalisée. Faites comme si vous écriviez un email (ou une lettre) à votre ami ou mentor pour lui raconter tout ce qui s’est passé depuis 6 mois, un an, trois ans. Lancez un chrono pour 20 minutes et ne vous arrêtez pas d’écrire.

Débutez votre récit par la date de votre échéance : « Nous sommes le 2 octobre 2021, » et racontez à quoi ressemble le quotidien dans votre musée — ou dans votre activité professionnelle — avec un maximum de détails. Écrivez au présent, voire même au passé. Par exemple : « Grâce à nos actions menées pendant ces douze derniers mois, nos publics se sont diversifiés et 20% de nos visiteurs viennent de quartiers prioritaires. »

Bonnes pratiques pour un bon visionning

1. Voyez les choses en grand

… et imaginez le meilleur scénario possible ! Mettez-y vos rêves les plus fous ! Selon ZingTrain, si votre premier brouillon ne vous fait pas un peu flipper par son audace (ou ne fait pas flipper les esprits pratiques de votre entourage) c’est que vous n’avez pas vu assez grand. Ecrivez une vision qui est excitante et ambitieuse.

2. Ecrivez avec votre cœur

C’est un exercice qui, même réalisé dans un cadre professionnel et collectif, doit être abordé de manière personnelle. Qu’est ce que vous avez envie de voir, de vivre dans 3 ans au sein du musée pour lequel vous travaillez ? Même si vous avez déjà exprimé ces rêves auparavant et qu’on vous a répondu que c’était impossible, ré-inscrivez-les, augmentez-les !

3. C’est personnel !

Si dans votre lettre-récit vous devez ajouter des paragraphes sur votre vie personnelle, faites-le. Après tout, nos vies professionnelles et personnelles sont intimement liées, surtout en tant qu’artiste ou créatif. Il est normal qu’elles s’influencent. Peut-être que pour vous permettre d’atteindre le rythme professionnel que vous souhaitiez, vous avez, par exemple, pris la décision de changer vos enfants d’école. Notez tout cela.

4. Donnez un maximum de détails

Ajoutez des chiffres, des explications. Vous n’avez pas « réussi à augmenter votre chiffre d’affaire » en tant que graphiste, vous avez « multiplié votre chiffre d’affaire par 2 et vous avez gagné 40 000€ cette année, parce que la conférence Super Graphiste à laquelle vous avez participé vous a permis de rencontrer le DA de Gucci et le Big Boss de Flammarion qui sont aujourd’hui des clients récurrents. »

5. Usez de votre imagination pour dépasser les challenges !

En décrivant comment vous êtes arrivé à votre but final, vous évoquerez certainement des étapes qui aujourd’hui peuvent vous sembler insurmontable. Faites appel à votre créativité pour trouver une issue. Par exemple: « Nous avons décidé de faire une levée de fonds. Les débuts ont été difficiles mais grâce à notre nouvelle community manager, nous avons lancé une campagne retentissante. Nous avons atteint notre objectif et 35% de la somme totale provient de petits dons de particuliers de la région. »

6. Ecrivez !

Ne réfléchissez pas à la forme ou à l’ordre, c’est un premier jet que vous aurez l’occasion de retravailler. Mettez en pratique la technique du Hot Pen, et ne vous arrêtez pas d’écrire pendant 20 minutes. Revenez en arrière pour ajouter des détails si vous estimez avoir fini avant que le chronomètre s’arrête, ou continuez à écrire tout ce qu’il vous passe par la tête, même si c’est à priori sans rapport.

Et la suite ?

En solo

Une fois votre session de 20 minutes terminée, vous pouvez reprendre votre brouillon pour le relire et le retravailler. Implémentez vos premières actions le plus vite possible, voire immédiatement. Par exemple, si votre objectif était d’écrire un livre en un an et que vous avez mentionné dans votre vision que, pour ce faire, vous aviez pris la décision d’écrire un peu tous les matins, faites le premier pas !  Ouvrez votre Google Calendar et bloquez dès à présent 1h tous les matins pendant les 365 prochains jours. Ajoutez des rappels et des alarmes si besoin !

Le but, à présent que votre vision est écrite, c’est de développer un plan stratégique. En somme, votre vision représente votre destination et votre plan stratégique les actions concrètes qui vous permettront d’y arriver.

En groupe

Partagez votre vision avec les membres de votre équipe et décidez ensemble des éléments que vous souhaitez conserver. Travaillez de concert pour aboutir à une vision commune, rédigée, et surtout, distribuée à toutes les personnes concernées par sa mise-en-œuvre. Avoir une vision commune du futur est un atout colossal pour le développement et la pérennité de votre institution.

Que vous réalisiez cet exercice seul ou en groupe, dans un cadre personnel ou professionnel, il faut que votre récit vous enthousiasme, voire vous effraie un peu par son ambition. Comme Debbie Millman l’a justement écrit « If you imagine less, less will be what you undoubtedly deserve » ou pour les non-anglophones « Si tu imagines moins, moins sera indéniablement ce que tu mérites. »

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